• Le journal de TF1 le lendemain des Attentats de Paris. Témoignage d'une étudiante présente sur place.
    La section commentaires est disponible en mode connecté uniquement. Merci !
    La section commentaires sera en ligne à partir du 15 décembre ! Veuillez patienter quelques jours :-)
    La section vocabulaire sera en ligne à partir de janvier 2016 ! Veuillez patienter quelques jours :-)
    Bonsoir, Imene Ahmed. Bonsoir. Merci d’avoir accepté notre invitation. C’est avec plaisir. Vous habitez en fait tout près du Bataclan. Et hier, je crois que vous étiez en famille avec votre mère et vous buviez un verre dans un café qui est juste à côté du Bataclan. Que s’est-il passé aux alentours de 21 h 40 ? À vrai dire, on n’a même pas eu le temps de boire ce verre. Donc ? Je sortais tout bêtement de la faculté. Enfin, j’arrivais et on s’est croisé vraiment pile devant le Bataclan. On se décidait entre aller au Bataclan ou justement au Baromètre. Comme j’avais vu que c’était plein, je lui avais dit : « Bon, ça n’a pas vraiment grand intérêt. Allons au Bataclan ». Elle me dit : « Non, je n’aime pas trop le Bataclan ce soir. Allons au Baromètre, il n’y a pas de souci, on trouvera une place. » Donc on fait à peine 3 pas et là, on entend déjà des coups. Enfin, les coups en fait qui retentissent, c’est ça. Et que vous êtes-vous dit à cet instant ? Des pétards, ce sont des fêtards ? Et bien, moi, je me dis tout de suite : « C’est des coups ». Enfin, sur le coup, je me disais « Non non, mais ça, c’est des coups ». Ma mère me dit : « Mais non, mais non, ne t’inquiètes pas, c’est juste des pétards ». Je lui dis que vraiment je ne suis pas sure, ça ne ressemble vraiment pas à des bruits de pétards. Et à ce moment-là, on voit juste plusieurs personnes courir vers nous qui essayent juste de fuir les abords du Bataclan. À ce moment-là, je fais : « Non vraiment, ce n’est pas des pétards ». C’est une attaque. C’est des ... C’est des attaques. Donc je l’attrape et je rentre dans le Baromètre. Et en fait, toute la terrasse se renverse. Tout le monde crie, tout le monde court dans tous les sens et tout le monde essaie juste de se cacher. Donc, on se cache tous. Le personnel du Baromètre a vraiment été exceptionnel. Ils nous ont cachés. Ils nous ont dit d’aller dans la cuisine, de se cacher derrière les tables. Et tout est allé en fait très vite. Et on a entendu donc tous les premiers coups, puis on a vu la police arriver. On les a entendus, on les a entendus tirer. Et on a vu en fait tout ce qui s’est passé en fait. On avait été vraiment au cœur de l’action. Tout s’est déroulé sous nos yeux. Combien de coups de feu avez-vous entendus ? Est-ce qu’on peut les chiffres en dizaines ? Honnêtement, il y en a eu tellement que je ne serais peut-être pas capable de vous les chiffrer, mais si je devais donner un chiffre approximatif, je pourrais dire une quinzaine. Vous avez eu le temps de parler et de discuter très très rapidement avec ces gens qui partaient, qui fuyaient ? Vous avez échangé des regards ? On s’est regardé et puis on est rentré. Je ne suis même pas sure que certaines personnes soient rentrées dans le bar où j’étais avec ma mère. Ils ont juste couru dans les rues annexes en fait. Ils ont juste essayé de fuir. Ils ont entendu des coups, ils ont voulu sauver leurs vies en fait. Vous avez rencontré après des rescapés du Bataclan, vous êtes resté dans le quartier jusqu’à 5 h et demi du matin. Qu’est-ce qu’ils vous ont dit ? Raconté ? Est-ce qu’ils avaient besoin de parler et d’échanger avec vous ? Racontez-nous cette ambiance. C’était très… Enfin, ils étaient très touchés, c’est normal. Ils étaient choqués. Ils étaient sous le choc. Enfin, ils allaient juste voir un concert et au final, enfin on ne s’attend pas d’entrer dans une salle de concert et en ressortir criblé de balles ou bien perdre quelqu’un. Et enfin, on leur parlait, on essayait de leur proposer des cafés, des thés, des chocolats, peu importe, ce qui leur faisait plaisir. On leur donnait des téléphones pour appeler leurs proches, des chargeurs. Plus personne n’avait rien en fait. Ils nous disaient oui, mais je n’ai pas d’argent. On leur dit, on leur explique que vraiment là, on est… C’est de bon cœur qu’on vous les offre, il n’y a pas d’histoires d’argent à ce moment-là. C’est juste de la solidarité. Donc on entendait certains qui annonçaient la mort d’un proche au téléphone. On entendait d’autres, enfin un monsieur qui cherchait une jeune femme. On s’est tous mis à crier son nom dans le bar en espérant qu’elle est là. Et au final, on ne l’a même pas trouvée. Et ils étaient juste en train de dire : « C’est horrible ! » Enfin, la plupart en fait pensaient que les coups de feu faisaient partie du spectacle, que c’était juste de la batterie jusqu’au moment où ils ont vu les gens tomber et qu’ils ont compris qu’ils se faisaient en fait attaquer. Ils nous expliquaient qu’ils courraient juste à tout va, qu’ils avançaient et qu’ils devaient juste sauver leur peau. Certains nous disaient qu’ils se cachaient en dessous des corps. Qu’ils feintaient de leur mort en espérant que ces terroristes ne les toucheraient pas ! Et au final, ils les criblaient quand même de balles. Comment vous allez ce soir, Imene ? Moi, j’essaie juste de relativiser les choses. Je pense vraiment qu’il ne faut pas être négative. Il ne faut pas se dire que la vie est terminée. Il faut vraiment se dire que la vie continue. À un moment, ils veulent qu’on soit dans un état de choc. Ils veulent qu’on soit limite à leurs pieds. Moi, je ne suis pas d’accord. Je considère qu’il faut continuer, il faut aller deux fois plus au restaurant, deux fois plus aux cafés. On continue d’aller au cinéma, on continue de sortir avec ses amis. On continue notre vie comme elle a été, comme elle a été avant Charlie, comme elle est avant le 13 novembre. Les évènements sont horribles, les évènements sont tragiques. Les gens sont morts et j’en suis vraiment désolée. Enfin, on me dit toujours, enfin toute la journée, on m’a dit : « Vous avez l’air quand même très bien ». Honnêtement, je ne suis pas la plus à plaindre. Enfin, moi je suis encore là. Honnêtement, je ne les ai pas vus et c’est peut-être mieux. Mais j’ai vu des gens blessés, j’ai vu des gens mourir devant moi. Ce n’est vraiment pas agréable, mais il faut continuer, il faut dire que la vie continue. Il ne faut pas leur donner ce qu’ils veulent. Il faut juste résister. Il faut être forts psychologiquement. Sinon, ils auront gagné et ça ne marche pas. Merci, merci beaucoup pour ce témoignage très personnel et très poignant, Imene.
A propos de cet extrait